Licenciement femme enceinte et action aux Prudhommes
Le licenciement d’une femme enceinte est plus fréquent que l’on peut le croire, et ce malgré la protection dont elle bénéficie en droit du travail. Cela s’explique probablement par le fait que les femmes licenciées abusivement avant ou après leur accouchement contestent peu leur licenciement devant le Conseil de prud’hommes alors qu’elles ont tout intérêt à le faire pour obtenir des dommages et intérêts visant à réparer l’intégralité des préjudices découlant de leur licenciement abusif.
Par Me Sassi, avocat en droit du travail (www.avocat-ms.fr)
Le statut de la femme enceinte en droit du travail est différent de celui des autres salariés dans la mesure où des dispositions figurant dans le Code du travail lui accordent une protection spécifique assez efficace pour la protéger du licenciement.
Ce statut particulier de la femme enceinte est fondé sur le fait qu’elle est considérée par la loi comme une personne vulnérable et cette protection lui permet de faire échec à de nombreux risques de licenciement (mais pas à tous) car celui-ci serait considéré comme discriminatoire et donc nul au regard de la loi en général et du Code du travail en particulier.
Le principe est la nullité du licenciement de la femme enceinte
L’article L. 1132-1 du Code du travail dispose que :
« Aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire (…) en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse… ».
Cela signifie tout d’abord qu’il est fondamental que la salariée informe officiellement son employeur de son état de grossesse au moyen d’un certificat médical de grossesse qui sera envoyé par courrier recommandé ou remis contre décharge afin de se constituer une preuve.
Dès lors, le licenciement d’une femme enceinte, au seul motif de son état de grossesse encourt purement et simplement la nullité ce qui permet alors à la salariée de saisir le Conseil de prud’hommes pour demander outre sa réintégration si elle le souhaite, d’importants dommages et intérêts.
Il s’avère toutefois que, comme dans tout principe, l’interdiction de licenciement de la femme enceinte comporte des exceptions limitativement énumérées par le Code du travail, même si en pratique, les Conseils de prud’hommes et les chambres sociales des Cours d’appel refusent souvent de les prendre en compte.
Dans quels cas une femme enceinte peut être licenciée ?
Le Code du travail dispose que le licenciement d’une femme est possible dans deux cas de figure précis, à savoir :
- En cas de faute grave
- Ou lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de maintenir le contrat de la salariée enceinte
Qu’est-ce qu’une faute grave en droit du travail ?
Concernant la faute grave, la jurisprudence des Conseils de prud’hommes la définit comme « un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ».
Il existe dans la réalité une multitude de faits fautifs, comme par exemple les violences physiques et/ou verbales, les injures, l’insubordination, le vol, etc.
Les Conseils de prud’hommes sont toutefois très restrictifs pour admettre qu’une faute grave puisse être retenue à l’encontre de la salariée, de surcroit lorsqu’il s’agit du licenciement d’une femme enceinte.
Que signifie l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée enceinte ?
Quant à l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, il impose que l’employeur démontre qu’il n’avait strictement aucune possibilité de garder la salariée, ce qui est dans la pratique très difficile à démontrer.
Cela s’explique notamment par le fait que dans de nombreux cas, les explications avancées par l’employeur sont susceptibles de ses retourner contre lui.
Conclusion sur le licenciement de la femme enceinte
En substance, le licenciement d’une femme enceinte est souvent annulé par les Conseils de prud’hommes dans la mesure où les conditions très strictes exigées par le Code du travail et par les Conseils de prud’hommes sont assez rarement réunies.
Dans cette hypothèse, la salariée est en droit d’exercer de nombreux droits, y compris d’exiger sa réintégration dans l’entreprise. L'inspection du travail est d'aileurs très vigilante pour assurer la protection des femmes enceintes au travail.
En outre, la salariée peut solliciter le paiement de tous les salaires qui lui sont dus depuis son licenciement et jusqu’à la date à laquelle un jugement est rendu par le Conseil de prud’hommes, ce qui dans les faits peut représenter plusieurs mois de salaire.
En outre, la salariée peut obtenir une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement (Chambre sociale de la Cour de cassation 9 octobre 2001).
Cette indemnité pourra par exemple intégrer la différence de salaire entre le dernier salaire perçu et le montant des allocations versées par Pôle Emploi (assurance chômage), le cout de la mutuelle perdue dont le bénéfice est fondamental lorsque l’on a des enfants en bas âge, etc.
En conclusion, la salariée enceinte qui a été licenciée a souvent de très bonnes chances d’obtenir gain de cause devant le Conseil de prud’hommes de telle sorte qu’elle a souvent un intérêt évident à contester la validité du licenciement dont elle a été victime, et ce dans le but d’obtenir la réparation de l’intégralité de ces préjudices, ce qui représente souvent des sommes importantes.
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