La prescription des fautes en droit du travail
Par Me Sassi, avocat en droit du travail à Paris (www.avocat-ms.fr)
La problématique de la prescription des fautes en droit du travail est essentielle dans la mesure où de très nombreux licenciements sont basés sur des faits fautifs que l’employeur reproche au salarié.
Dans la mesure où il n’est pas concevable que l’employeur puisse, éternellement, reproché au salarié, des faits fautifs anciens, le Code du travail, ainsi que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ont développé tout un cadre légal qui vise à protéger le salarié contre les licenciements abusifs basés sur des fautes anciennes.
Encore faut-il que le salarié connaisse les règles figurant dans le Code du travail visant à le protéger.
Pour justifier un licenciement, les faits fautifs doivent avoir moins de 2 mois
Le principe en matière de prescription des fautes en droit du travail émane de l’article L. 1332-4 du Code du travail (C.trav) qui dispose que :
« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».
Deux éléments essentiels ressortent de ce texte :
- Tout d’abord, un délai de 2 mois est fixé au-delà duquel un fait du salarié ne peut constituer le fondement d’un licenciement.
- Ensuite, il est précisément que ce fait ne peut, « à lui seul », donner lieu à l’engagement des poursuites disciplinaires. Cela sous-entend qu’un fait fautif prescrit peut, avec d’autres, constituer un le fondement d’un licenciement. Même prescrit, ce fait peut donc être invoqué par l’employeur sans pour autant fonder à lui-seul le licenciement ?
Si ce délai de 2 mois pour réagir peut paraître stricte pour l’employeur, il est toutefois à noter que ce délai de prescription de 2 mois court, non pas à compter du fait fautif, mais à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Un fait fautif peut donc être sanctionné dans un temps plus ou moins éloigné de sa commission par le salarié.
En outre, le terme employeur doit être entendu largement. En effet, selon la jurisprudence, l’employeur s’entend de tout supérieur hiérarchique quelle que soit sa place dans la hiérarchie de la société et peu important également que celui-ci dispose du pouvoir de sanctionner le salarié (Cass. soc., 30 avr. 1997, n° 94-41.320, n° 1806 P + F : Bull. civ. V, n° 148).
En cas de désaccord sur la prescription de la faute du salarié, c’est à l’employeur qu’il revient de prouver que ce fait, peut-être commis il y a plus de 2 mois, n’a été connu de lui dans un délai n’excédant pas 2 mois (Cass. soc., 24 mars 1988, n° 86-41.600 : Bull. civ. V, n° 203 Cass. soc., 31 mai 2006, n° 03-46.066 Cass. soc., 22 oct. 2008, n° 07-41.443 Cass. soc., 22 oct. 2008, n° 07-41.444).
C’est au jour de l’engagement des poursuites qu’il convient de se placer pour déterminer si ce délai de 2 mois n’est pas dépassé. Par engagement des poursuites disciplinaires, il faut entendre :
- La notification de la sanction telle que l’envoi d’une lettre d’avertissement pour une sanction mineure et,
- Le prononcé d’une mise à pieds conservatoire voire le jour de l’entretien préalable pour les fautes graves.
L’exception au délai de prescription de 2 mois en cas de poursuites pénales
Il ressort également de l’article L.1332-4 du C.trav une exception à ce délai de 2 mois.
En effet, cet article prévoit que le délai de 2 mois est suspendu par d’éventuelles poursuites pénales engagées à l’encontre du salarié.
En d’autres termes, si le faut fautif du salarié sur le plan du droit disciplinaire constitue également une infraction pénale ayant donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique, le délai de 2 mois est suspendu. Le pénal tient le disciplinaire en l’état.
C’est donc à compter de la connaissance par l’employeur de la condamnation définitive de son salarié par une juridiction pénale que le délai de prescription de 2 mois commence à courir (Cass. soc., 15 juin 2010, n° 08-45.243, n° 1255 FS - P + B).
Enfin, plus qu’une véritable exception, il s’agit là plutôt d’une atténuation. En effet, il découle des termes de l’article L. 1332-4, qu’au-delà du délai de 2 mois, le fait fautif ne peut plus à lui seul servir de fondement à un licenciement. Toutefois, il peut être pris en compte par l’employeur pour venir appuyer d’autres fautes qui, elles, sont encoure punissables puisque non prescrites.
Conclusion
Force est de constater que ce délai de prescription en droit du travail est à la fois nécessaire et stricte :
- Nécessaire pour le salarié qui ne peut travailler quotidiennement et indéfiniment avec le spectre d’une éventuelle sanction disciplinaire qu’il aurait commise dans années auparavant.
- Stricte pour l’employeur qui, en dehors d’une faute constitutive d’une infraction pénale, dispose d’un délai relativement court de 2 mois pour intenter une sanction disciplinaire à l’encontre de son salarié fautif. Toutefois, la conception large de la notion d’employeur retenue par la jurisprudence a conduit à amoindrir considérablement la rigueur de ce délai.
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